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Réprouvés, bannis, infréquentables
A propos de Réprouvés, bannis, infréquentables, Collectif sous la direction d’Angie David, Léo Scheer | 278 p. | 20 €, 2018​
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Rassembler quinze apologies d’écrivains « maudits » sculptées par des plumes à la notoriété limitée, tel est l’ambitieux travail collectif qu’Angie David a eu la singulière idée de faire publier aux éditions Léo Scheer. L’exercice est cocasse puisqu’on se demande bien ce que peuvent avoir de commun, par exemple, Michel Houellebecq – probablement l’un des écrivains les plus fréquentés de France – et Marc-Edouard Nabe ou Renaud Camus... Au-delà des dissemblances radicales entre ces « exclus » – parmi lesquels Jean-Claude Michéa, Guy Debord, Maurice G. Dantec, Peter Handke, Pierre Boutang, etc. –, l’ouvrage offre des textes assez inégaux : si certains auteurs se payent de mots ou ajoutent de l’obscurité là où l’on attendrait un peu de discernement, d’autres proposent de précieuses introductions à des œuvres littéraires qui méritent largement d’être (re)découvertes : Muriel de Renvergé signe ainsi un lumineux portrait de la poétesse italienne Cristina Campo, défenderesse « weillienne » de la liturgie catholique traditionnelle. Bertrand Lacarelle préfère se pencher sur Baudoin de Bodinat, choix méritoire puisqu’il n’existe quasiment aucun élément biographique sur ce mystérieux anachorète « situationniste » publié par l'Encyclopédie des Nuisances. L’analyse par Laurent James de la trajectoire de Marc-Edouard Nabe – et si c’était lui le seul vrai réprouvé des lettres françaises ? – est quant à elle un morceau de bravoure qui expose l’implacable cohérence d’une œuvre littéraire véritablement révolutionnaire, nécessairement terroriste. Le portrait qu’Olivier François consacre au sinologue Simon Leys mérite probablement à lui seul l’achat de l’ouvrage : les lignes de force du parcours intellectuel de l’auteur des Habits neufs du président Mao y sont analysées avec minutie, nous rappelant que la lecture de certaines œuvres ne sont pas seulement des cures d’altitude mentale : elles réveillent, comme le rappelle Olivier François, certaines vertus endormies par nos dissociétés contemporaines.

 

Bruno DENIEL-LAURENT

La Revue des Deux Mondes - mai 2018

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