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De chez nous
A propos de De chez nous, de Christian AuthierStock, 2014
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Voici un livre conçu à l’occasion d’un grand soir de bombance. Nous sommes à Marseille, le 18 juin 2000 : Christian Authier célèbre son quarantième anniversaire en compagnie d’une brigade de camarades écrivains parmi lesquels on reconnaîtra quelques talentueux chevau-légers nourris au double héritage de Bernanos et Guy Debord. Une question, moins naïve qu’il n’y paraît, se profile bientôt autour d’un magnum de rouge : « Il est bien de chez nous, lui, non ? » Le livre que Christian Authier publie chez Stock s’enroule donc autour d’une quête identitaire, tâchant de dresser une cartographie sensible de ce qui est « de chez nous » – de cette vieille terre de France – sans se perdre dans les fantasmes ethniques ou les nostalgies incapacitantes. La France, c’est d’abord le souvenir de nos héros, non pas ceux qu’un pouvoir politique fatigué célèbre spectaculairement – l’auteur règle son compte à la « môquetmania » sarkozyste – mais plutôt ces gueules rugueuses que Jean-Pierre Grumbach, alias Melville, magnifiait dans ses films, à l’image d’un Honoré d’Estienne d’Orves, officier royaliste et catholique fusillé au Mont-Valérien en 1941, d’un Dimitri Amilakvari prince géorgien tombé lors de la bataille d’El-Alamein, ou d’un Fernand Zalkinov, jeune ouvrier juif dont la dernière lettre, adressée à sa sœur, vaut bien celle de Môquet (« Je regrette profondément la vie, mais puisqu’il faut mourir eh bien, c’est la mort que j’aurai choisie. »). Être de chez nous, c’est peut-être aussi refuser les enfermements partisans et admirer, en un même mouvement, l’aventurisme putschiste d’un Denoix de Saint Marc et l’insubordination weillienne d’un Pâris de Bollardière. La France d’Authier ne se résume pas aux hommes d’armes : elle se perpétue aussi à travers les arabesques des frères Cantona, les breuvages angevins d’Eric Callcut, les poésies aériennes d’Eric Tellenne ou le teint vermeil d’un ami enivré. Finalement, sont peut-être de chez nous les hommes debout qui s’enivrent moins pour fuir le présent que pour réconcilier les vivants et les morts et conjurer ce que Bernanos appelait la conspiration universelle contre toute espèce de vie intérieure.

Bruno DENIEL-LAURENT

La Revue des Deux Mondes - octobre 2014

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