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Gavroche et la Révolution de Jasmin
A propos du film Ma Révolution de Ramzi Ben Sliman
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Nous avons, nous autres Français, une entêtante passion – et ô combien littéraire – pour la figure de l’adolescent rebelle, surtout lorsque ce sont les rues de Paris qui lui offrent le décor de sa révolte. On se souvient de la description de Gavroche dans Les Misérables d’Hugo : "il vit par bandes, bat le pavé, court, guette, quête, perd le temps, tutoie des filles, parle argot, chante des chansons obscènes, et n'a rien de mauvais dans le cœur." Le gavroche de Ma révolution (sortie prévue en juin 2016) s’appelle Marwann : c’est un petit Montmartrois dont les parents, des immigrés tunisiens de la classe moyenne (interprétés par Lubna Azabal et Samir Guesmi), s’enthousiasment depuis leur appartement cossu pour la Révolution de jasmin qui, de l’autre côté de la Méditerranée, ébranle le régime autoritaire de Ben Ali.

 

Marwann (Samuel Vincent) a d’autres idées en tête : encouragé par un grand-père polisson et dipsomane (Ahmed Benaissa), il n’a pas de statue à déboulonner, mais plutôt une idole à conquérir, l’inaccessible Sygrid (Anamaria Vartolomei). Il suffira d’un coup de pouce du destin – une photo en une de Libé – pour que Marwann, à son corps défendant, se métamorphose en icône souriante d’une éphébocratie maghrébine ivre de liberté ; et c’est à partir de ce malentendu inopiné que va enfin pouvoir s’ébranler la seule révolution à laquelle Marwann aspire : celle du cœur.

Avec Ma Révolution, Ramzi Ben Sliman signe un (premier) long-métrage sincère et primesautier, un "film de bande" joliment installé dans le quartier Pigalle/Barbès dont les rues montueuses sont autant d’aires de badinages, de baisers volés et de mauvaises farces. On notera aussi, en contrepoint de ces péripéties adolescentes, la performance scénique du rappeur tunisien Weld El 15 dont l’interprétation de sa fameuse diatribe anti-policière Boulicia kleb a permis au réalisateur de tourner une séquence d’une rare puissance, rugueuse et fusionnelle, qui rappelle - à ceux qui l’auraient oublié - que les révolutions sont rarement des jeux de rôle.

 

Bruno DENIEL-LAURENT

Marianne - janvier 2016

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