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Claude Sautet, du film noir à l’Œuvre au Blanc
A propos de Claude Sautet, du film noir à l’Œuvre au Blanc, de Ludovic Maubreuil, Pierre-Guillaume de Roux ǀ 228 p. ǀ 18 €
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Auteur de plusieurs revigorants ouvrages consacrés au cinéma – dont le remarqué et remarquable Cinématique des muses (Pierre-Guillaume De Roux, 2019) –, Ludovic Maubreuil a cette fois-ci choisi de se pencher sur l’œuvre de Claude Sautet (1924-2000) dont il a méticuleusement inventorié les figures, les techniques et les procédés qui parsèment sa foisonnante filmographie et lui assurent sa cohérence. Depuis Classe tous risques (1960, avec Lino Ventura et Jean-Paul Belmondo) jusqu’à Nelly et Monsieur Arnaud (1995, Michel Serrault et Emmanuelle Béart) en passant par Max et les Ferrailleurs (1971, Michel Piccoli et Romy Schneider) ou Quelques jours avec moi (1988, Daniel Auteuil et Sandrine Bonnaire), les long-métrages de Claude Sautet relèvent en effet d’une « mécanique de précision » à la fois récurrente et signifiante. Ainsi, films après films, on y retrouve les mêmes entêtants motifs : les femmes « soignantes », toujours plus jeunes que leur compagnon masculin, les amis « inutiles » et les trios « intenables » ; les mensonges vertueux, les traquenards funestes, l’argent qui s’affiche, qui apaise, qui corrompt ; l’averse soudaine qui annonce une bifurcation du récit, le feu accidentel qui fait naître une émulation communautaire, le miroir qui divulgue une vérité ultime… De la même façon, chaque film de Sautet offre à ses personnages la possibilité de se réchauffer dans une « brasserie-refuge » et de se confronter à une « mer ambivalente », une « prison de verre » ou un « escalier fatal »… Cet inventaire que nous révèle Ludovic Maubreuil, loin d’être fastidieux, nous permet au contraire de pouvoir saisir la puissante profondeur d’une œuvre trop souvent méprisée par une certaine critique – on se souvient de la définitive et imbécile formule de Truffaut : « Sautet n’a pas la classe, il n’a pas pris les risques, point. » Au terme de la lecture de cet hommage à la « si belle tristesse du cinéma de Claude Sautet », on comprend qu’il a au contraire pris le risque insensé de vouloir nous exposer une certaine faillite de l’être, mais sans jamais renoncer à la beauté, à la douceur et, in fine, à la possibilité d’une fragile et foudroyante épiphanie.

 

Bruno DENIEL-LAURENT

La Revue des Deux Mondes - avril 2021

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