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Comme une herbe sauvage
A propos de Comme une herbe sauvage, de Falk van Gaver, L’Escargot ǀ 246 p. ǀ 18 €
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Si Bande à part n’avait pas été préempté par Jacques Perret et Jean-Luc Godart, gageons qu’il aurait été un titre parfait pour l’autobiographie intellectuelle que Falk van Gaver publie aux éditions de L’Escargot. Depuis une belle vingtaine d’années, ce fils turbulent de l’aristocratie européenne multiplie les expériences politiques et existentielles radicales, tout en sachant rester à l’écart des coteries militantes et des cercles de pouvoir. Politiquement irrécupérable, passé du royalisme révolutionnaire à l’anarchisme chrétien, Falk van Gaver a présidé au début du siècle à la création de la revue bernanosienne Immédiatement où il y animait une sorte de courant néo-luddite, décroissant et libertaire ; puis, conjuguant la joie de l’épiphanie à celle de l’émeute, il s’est endurci au sein des black blocs à Gênes, Barcelone ou Bruxelles. En contrepoint de ces tumultueuses immersions, il a aussi traversé quelques déserts en épousant le cri du cœur de Bernard de Clairvaux – « O beata solitudo, o sola beatitudo » – avant de creuser le sillon d’une pensée écologiste résolument « biocentrée » dont il assume ici toutes les implications. Ayant maintenant dépassé la quarantaine, exilé avec femme et enfants à Bora Bora, l’ex-catholique de combat choisit de brûler ses derniers vaisseaux en adressant un adieu viril à ses anciens camarades de « la droite réac, la droite hors les murs, la droite grande gueule, la droite Tontons flingueurs » à qui il oppose son nouvel engagement antispéciste, communiste antiautoritaire et athéiste. Les pages qu’il consacre à son adhésion à l’athéisme sont d’ailleurs les plus émouvantes, tant elles rejoignent paradoxalement les récits de conversion des grands mystiques Dans une même veine, sa franche défense du véganisme, formulée au nom de la « sensibilité à la souffrance animale », est ici d’autant plus précieuse qu’elle est portée par un repenti des armes de chasse et des festins cynégétiques. Livre étrange, donc, à la fois sincère et jargonnant, implacable et décousu, itinéraire d’un enfant du siècle qui ne peut se résoudre aux artifices et aux arrière-mondes de nos sociétés policées.

Bruno DENIEL-LAURENT

La Revue des Deux Mondes - mai juin 2022

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