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Ces Bretons qui ont fait la France
A propos de Ces Bretons qui ont fait la France, de Régis le Sommier David, Grasset | 238 p. | 19 €, 2018​
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Un adage complaisamment placardé dans les rades d’Armorique nous assure que Dieu inventa l’alcool pour que les Bretons ne dominassent pas le monde. S’ils ne sont effectivement pas les rois de l’univers – et c’est sans doute mieux comme ça –, les enfants des terroirs de Bretagne ont assurément l’âme voyageuse : il suffit de se promener à Kinshasa, Phnom Penh ou Tokyo pour être sûr d’y trouver un estaminet tenu par un compatriote breton plus ou moins taciturne, souvent dipsomane, toujours nostalgique. La Bretagne n’est-elle pas cette contrée singulière où une grande ville – Lorient – porte le nom du lointain horizon pour lequel on la quitte ? Régis Le Sommier, fils du pays de Dinan, couvre depuis vingt ans les conflits internationaux pour Paris-Match ; mais c’est à la France qu’il consacre son dernier ouvrage, brossant les portraits de seize Bretons qui, chacun à leur façon, ont contribué à l’érection de l’œuvre française. On ne reprochera pas à ce grand reporter d’avoir restreint son sujet puisqu’il fait voisiner du Guesclin avec Bernard Hinault, tandis qu’Anne de Bretagne jouxte Yves Rocher, Patrick Le Lay et Jean-Yves Le Drian… Les maîtres des océans, Surcouf et Tabarly, sont évidemment célébrés, et de belle manière, mais c’est le portrait d’André Le Sommier – le défunt père de l’auteur – qui est le plus émouvant de tous, à tel point que l’on en viendrait presque à penser que le reste du livre n’était qu’un prétexte pour sculpter ce pudique hommage à la figure paternelle. André Le Sommier, diplômé de l’École navale, a fait sa carrière dans les Forces sous-marines, passant dix ans dans les submersibles d’attaque avant de rejoindre les « terribles » lanceurs d’engins de l’Île longue ; ce beau portrait offre par ailleurs à son fils l’occasion d’évoquer le destin de la ville de Brest, cette curieuse cité du Penn-ar-Bed qui reste supportable tant que l’on garde à l’esprit l’idée qu’on la quittera un jour ; pour mieux y revenir, peut-être, le corps buriné par les vents et les orages des antipodes.

 

Bruno DENIEL-LAURENT

La Revue des Deux Mondes - mai 2018

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