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Le Dave Gahan houellebecquien
A propos de l'album Les Belles Structures, d'Arne Vinzon, Dokidoki editions.
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Découvert par le grand public il y a un an avec son titre « Lente Dépression », Arne Vinzon sortira en mai son troisième album, hommage poétique aux sons de la new wave des années 80.

 

La dépression, paraît-il, est à la mode : on sait en tous cas que la « Nuit de la Déprime », organisée aux Folies Bergères en février dernier par Raphaël Mezrahi et à laquelle participaient le ban et l’arrière-ban de la variété française, s’est tenue à guichets fermés. Signe des temps, peut-être, c’était déjà avec le titre Lente dépression –  interprétée sur le plateau du Labô de Sébastien Follin puis amplifiée par le Zapping de Canal Plus – qu’Arne Vinzon s’était fait connaître il y a un an du grand public. Il est vrai que le morceau conçu par ce trio familial – Arne Vinzon, l’auteur-chanteur, est le cousin des deux musiciens-arrangeurs – emporte l’adhésion : l’ouvrant avec des déclamations que l’on jurerait extraites de L’Ecclésiaste – elles sont en fait issues du Livre de la Sagesse – et porté par une rythmique électronique à la fois martiale et distinguée, Arne Vinzon parvient à chanter l’aboulie et le désœuvrement sans complaisance ni ironie, la faillite de nos primes élans étant comme contrecarrée par le don d’une mélodie envoûtante, tonique et in fine joyeuse.

 

Gonflé par l’inattendu succès de Lente Dépression, le second tube d’Arne Vinzon, Les Otaries, sorti en 2012, présente un visage plus riant : l’auteur nous invite au zoo de Vincennes, promenant un regard à la fois doucereux et truculent sur ses pensionnaires, éléphants hétérosexuels ou pumas interlopes, réservant aux wapitis un hommage que l’on n’attendait plus. Chacun sera heureux d’apprendre que les otaries de Vincennes changent de couleur au soleil couchant et qu’elles lisent dans le texte les philosophes allemands, petite leçon de zoologie que l’on retient avec d’autant plus de facilité que la mélodie gentiment mélancolique et la voix veloutée d’Arne Vinzon possèdent un charme puissamment tenace. Il serait pourtant scandaleux de vouloir enfermer Arne Vinzon sous l’inconsistant qualificatif de chanteur « décalé » ou résumer l’étrange poésie de ses chansons à cette plaie de l’époque que l’on nomme « second degré » : si l'on veut inscrire Arne vinzon dans une généalogie d'auteurs, ce n'est pas vers Philippe Katerine ou Didier Super qu'il faut lorgner, mais plutôt vers Queneau et Richard Brautigan, ces empathiques osculateurs des apparences.

 

La sortie, le 6 mai prochain, du troisième album du groupe, Les Belles Structures, nous promet une œuvre plus mature, enfin débarrassée des quelques oripeaux régressifs qui entachaient encore les deux premiers. Au strict niveau musical, l’album rend un hommage transparent aux sonorités épurées et minimales d’Orchestral Manœuvre in the Dark ou du Dépêche Mode du milieu des années 80. On y reconnaît aussi des hommages furtifs à quelques grands musiciens « atmosphériques », d’Ennio Morricone à Max Richter en passant par Georges Delerue. Le morceau qui ouvre Les Belles Structures débute ainsi sur de délicats contrepoints synthétiques, telle une Variation Goldberg fixée sur séquenceur, tandis que la scansion vocale d’Arne Vinzon, plus pénétrante que jamais, alterne entre des couplets houellebecquiens et un refrain où se devine l’influence de Gainsbourg. La tonalité générale de ces Belles Structures se révèle donc à la fois plus sombre et plus sobre, mais ces chansons, saturées de noirceurs toniques et de grâces étincelantes, possèdent l’étrange pouvoir d’être à la fois malaisées et aériennes, telles des ballades où les malemorts, loin de lancer des malédictions à l’adresse des vivants, les persuaderait depuis les limbes de l’inusable beauté du monde.

Bruno DENIEL-LAURENT

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